Kama Sutra : 4
La montée du désir
Oubliez tous vos à priori sur le Kama Sutra : non, ce manuel indien sur l'art d'aimer n'est pas l'œuvre d'obsédés sexuels impatients de communiquer leurs techniques ! Au contraire, ces auteurs sont des sages qui associaient si harmonieusement la spiritualité et la vie qu'ils entraient en érection pendant leur prière… et parvenaient à continuer de prier ainsi.
Selon la légende indienne, le premier à s'être penché sur ce sujet plaisant n'est nul autre que Prajapati, le Créateur, dans le cadre d'un code de conduite sociale qu'il aurait formulé à destination de sa progéniture.
Il inspira plusieurs générations de sages, qui se concentrèrent toujours davantage sur la partie la plus agréable du code, à savoir la vie sexuelle. Parmi eux, Nandikeshwara, habituellement plongé en méditation sur Shiva, prit le temps de rédiger sur le sujet un millier de chapitres, que Svetaketu Arubi réduisit plus tard de moitié.
Ensuite, Babhravya, docteur chenu ès sexe, dans un souci de synthèse, ramena ce matériau brûlant à cent cinquante chapitres. Enfin, sept pandits renommés pour leurs qualités spirituelles divisèrent l'œuvre en sept grandes parties traitant, par exemple, de la communion au cours de l'acte sexuel, de l'art de séduire les épouses des autres, de la prostitution, des aphrodisiaques ou des instruments sexuels...
Des centaines d'années plus tard au troisième siècle avant JC, le redoutable Vatsyayana condensa ces écrits dans ce qu'il appela le Kama Sutra.
L'importance accordée au sexe dans la culture indienne ne date donc pas d'hier, ce qui témoigne de la puissance de cette idée, si ce n'est de celle de sa pratique. Alors, pourquoi les lettrés en sont-ils venus à considérer le Kama Sutra comme un chef-d'œuvre immortel ? Peut-être parce que Vatsyayana y préconise des positions difficiles pour le commun des mortels !
Peu d'informations nous sont parvenues sur ses talents et ses attributs sexuels, mais les mahamuni s'étaient en général réputés pour leur disons... puissance physique.
Facile à vérifier, à l'époque, puisqu'ils ne portaient guère qu'une étoffe serrée autour des reins. On raconte que Vatsyayana se serait imposé une année d'abstinence avant de s'atteler à son grand projet. D'où, peut-être, ce lien tissé entre privation et désir, les commentateurs ayant découvert, à l'œuvre dans le texte, une certaine dose de passion refoulée. Cependant, le concept d'abstinence étendu à une année complète ferait probablement peu d'émules dans l'Inde moderne : les indiens s'intéressent au sexe autant que les autres, même s'ils aiment à projeter une image de grande spiritualité.
Peut-être pour compenser une sensualité particulièrement irrépressible…
Quoi qu'il en soit, la mythologie hindoue regorge de témoignages sur les appétits sexuels incontrôlables de nombreux grands sages, que la quête du salut spirituel ne détournait en rien des femmes. La concupiscence faisait deux de véritables éléphants en rut, susceptibles de perdre toute mesure.