Kama sutra : 23
L'usage de la violence
Je souhaite cependant apporter quelques nuances importantes à cette vision simpliste. Une femme peut crier, siffler ou chanter d'extase. Elle peut aussi roucouler, ronronner, gémir, haleter, râler, sangloter... Tous ces sons peuvent prendre différentes modulations. Inconsciente de ses propres talents, elle peut aussi imiter la colombe, le coucou, le pigeon, le perroquet, l'abeille, le passereau, le canard et la caille, pourquoi pas ?
Dans des moments d'illumination passionnée, elle prononcera parfois des mots entiers, comme Oh, mon dieu ! Oh, oui ! Ces expressions vocales désordonnées sont parfois une véritable musique à votre oreille -qui peut même en concevoir un intérêt nouveau pour l'ornithologie- mais il se peut qu'elles restent vides de sens.
Chacun de ces sons peut exprimer la satisfaction, l'action de grâce ou la douleur. En d'autres termes, lorsque votre bien-aimée crie comme un perroquet, elle pourrait (a) délirer de joie, (b) être à l'agonie, (c) vouloir être agrippée différemment, (d) vouloir être moins fortement agrippée, (e) vouloir être plus fortement agrippée, (f) éprouver une douleur intolérable, (g) être en colère contre votre maladresse incroyable.
Pour être un bon amant, vous devez développer tout l'art de l'interprète appelé à traduire une langue qu'il n'a pas apprise. Ce talent, je vous rassure, vient instinctivement. La plupart des hommes savent quand ils donnent du plaisir à une femme, et ceux pour qui ce n'est pas le cas ne le devineront probablement jamais. Il convient, cependant, d'améliorer peu à peu vos talents d'interprète.
Lorsque la violence est au programme, une erreur d'interprétation peut rendre la passion insupportable. Le critère, dans ce domaine, est le plaisir que prend votre partenaire à ces excès. Si elle apprécie, ses simulacres de protestation sont de l'huile sur le feu de la passion. Les coups et les cris (ou les autres sonorités émises) sont le point et le contrepoint d'une jouissance à placer très haut parmi les plaisirs sexuels.
Des pulsions violentes modérées et occasionnelles, dans le feu de l'action, ne doivent pas vous inquiéter. Elles ne font pas de vous un être déviant ou anormal. Une touche de sadisme, tant qu'elle reste acceptable pour les deux parties, est l'un des piments les plus vifs de l'acte sexuel.
Chez l'individu sain, de telles inclinations sont rapidement suivies d'un retour à l'état normal. Si les hommes donnent en général plus de coups qu'ils n'en reçoivent, les femmes sont encouragées à en venir elles aussi aux poings et aux mains, mais en général c'est en feignant la détresse et la vulnérabilité qu'elles sont meilleures à ce jeu, tandis que l'homme joue les machos impétueux. L'important reste de ne pas se laisser emporter et, pour vous, de savoir que votre force n'empêchera pas votre partenaire de vous "battre" sur le long terme.