top of page

Les cris dans la nuit

Dans un pays lointain, un roi était en proie à un grand tourment.

En effet, ses ministres l’encourageaient instamment à déclarer la guerre au royaume voisin. Certes, leurs arguments étaient fondés, mais le souverain était profondément pacifique et ne pouvait se résoudre à faire couler le sang. La souffrance, la ruine, la séparation, le deuil, la mort, il n’assumait guère tant de funestes visions, mais les pressions se faisaient toujours plus pressantes. Il finit par demander le recours du ciel, espérant recevoir un signe salvateur qui lui ferait prendre la bonne décision. Le soir venu, il s’endormit du sommeil du juste.

Or, pendant la nuit, son repos fut troublé par le coassement intempestif d’une grenouille, qui ne cessa de s’amplifier jusqu’au petit matin. Le roi, pâle et défait, eut bien du mal à suivre les débats enflammés de son conseil, tant sa tête était brumeuse et ses yeux larmoyants.

Passe encore que cette épreuve dure une seule nuit. Mais ce ne fut, hélas, pas le cas et le roi finissait par redouter l’heure d’aller se coucher. Car le coassement, au fil du temps, s’intensifiait et semblait se répercuter jusqu’au milieu de sa couche. Le malheureux ressemblait de plus en plus à un spectre errant dans les couloirs de son palais.

Las de cette malédiction, il demanda des comptes à Dieu :

- Je vous ai demandé un signe encourageant et pour toute réponse, je reçois une épreuve qui m’ôte toute force et même le goût de vivre ! A cause de cette tribulation, mon esprit ne peut entrevoir aucune solution.

Une voix céleste lui répondit alors :

- Ce que tu as demandé, tu l’as obtenu.

Abasourdi, le roi rétorqua :

- Ce que j’ai obtenu ? Une maudite bête, qui a fait de ma vie un véritable enfer !

La voix reprit :

- Cette grenouille est le signe espéré. Ses simples cris ont troublé la quiétude de ton sommeil, alors, imagine un instant comment agiront le fracas des armes, les râles des mourants, les pleurs des innocentes victimes sur ta conscience ! Si tu fais le mauvais choix, tu ne connaîtras plus ni trêve ni repos de ta vie.

bottom of page