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Repentance

Un jour, un roi prit conscience des erreurs qu'il avait commises tout au long de sa vie.

Certes, il avait œuvré pour le bien de son peuple, mais qu'en était-il du résultat ? Tout autour de lui, la haine, la corruption et la vanité régnaient bien plus que la sagesse ou la probité.

Voulant faire amende honorable, il décida de présenter ses excuses à tous les habitants de son royaume qu'ils soient humbles ou puissants, riches ou misérables. L'affaire débuta fort mal car, malgré ses vœux pieux, il ne suscita que méfiance, peur, voire mépris. Un véritable roi s'abaisse-t-il pour obtenir miséricorde et pardon ?

Las et fatigué par son périple si décevant, il finit par s'asseoir au pied d'un arbre, à même le sol. Dans son esprit, il retraça pour la énième fois tous ses égarements et ses manquements, avec, toutefois, une certaine complaisance. Combien il est agréable d'être victime plutôt que bourreau.

Soudainement, il entendit, au loin, un chant puissant et joyeux sorti tout droit d'une gorge de femme. Il leva les yeux et aperçut une lavandière qui étendait son linge sur des fils accrochés aux branches.

Prestement, il se releva et se dirigea droit sur elle. Cette dernière, voyant cet étrange personnage, recula et s'exclama :

- Holà ! Mon ami que me voulez-vous ?

L'ami en question commença à raconter son histoire, n'omettant aucun détail de son existence, finalement, bien triste et bien terne. Mais la femme, lasse de son discours, finit par déclarer :

- Certes, tout cela est fort intéressant, mais tout roi que vous soyez, un baquet rempli de linge fraîchement lavé repose à vos pieds, alors qu'attendez-vous pour m'aider ?

Le monarque en resta coi mais finit par obtempérer. La lavandière reprit avec hardiesse son chant rempli de joie, faisant voler au-dessus de sa tête les bas de soie et les chemises colorées. Pendant ce temps-là, le roi disposait avec conscience les jupons, les caleçons, les robes et les pantalons, calculant au plus près, leur écartement sur le fil. En toute chose, il faut de l'harmonie, pensa-t-il. Son esprit de géométrie allait faire merveille à n'en pas douter ! Mais au fur et à mesure qu'il progressait, il se rendit compte de l'inanité de sa conduite.

Il était en train de découvrir une autre science que celle de la mesure. Désormais, chaque fois, qu'il étendait un vêtement sur le fil, il ne pouvait s'empêcher d'imaginer la vie de son propriétaire : était-ce un amoureux ? Une amante passionnée ? Une jeune effrontée ? Un vieillard plein de sagesse ? Un aventurier ? Certes, il n'avait pas la réponse, mais sa vision du monde, subtilement, se transformait.

Le silence se fit autour de lui : la femme avait interrompu son couplet et regardait l'homme avec attention.

- Vous avez changé, que vous arrive-t-il ?

- J'ai enfin compris mon erreur, dit-il. J'ai toujours gouverné en utilisant les ressorts de ma raison et une stratégie, certes efficace, mais éloignée de toute humanité. Les gens, pour moi, ne valaient guère mieux que des pièces de linge accrochées à un fil, qu'on pouvait manipuler à loisir. Quel orgueil ! Il me faut désormais retrouver le chemin de la tempérance.

Reprenant la parole, la lavandière déclara :

- Eh bien, maintenant que vous êtes redevenu vivant, il ne vous reste plus qu'à chanter !

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