Il était une fois un homme qui, après avoir visité un monastère bouddhiste, se vit offrir en souvenir un médaillon à l’effigie du Bouddha.
Rentré chez lui, ne sachant trop qu’en faire, il vit passer son chat et eut l’idée de le lui accrocher au cou. Ce chat était particulièrement redouté des souris de la maison : il les dévorait à belles dents après avoir joué avec elles. Patient, rusé, se déplaçant sans le moindre bruit, invisible même tant son art de se dissimuler atteignait la perfection. Les souris vivaient dans un état de terreur permanent et elles n’osaient même plus sortir de leur trou pour chercher leur nourriture. Certaines étaient déjà mortes de faim.
Néanmoins, ces souris étaient très pieuses et priaient beaucoup le Seigneur pour qu’elles soient débarrassées d’une façon ou d’une autre de ce diable poilu et moustachu qui les terrorisait. Et à force de prier avec humilité et sincérité, leurs prières semblèrent apparemment exaucées. C’est ce que décréta en effet la grande prêtresse des souris quand elle vit le chat porter le Bouddha autour du cou.
Elle fit alors sonner les cloches, réunit toutes ses souris et au comble de l’exaltation mystique, annonça que le miracle tant attendu était enfin arrivé, que leur hydre assoiffée de sang s’était converti au bouddhisme, preuve à l’appui du Bouddha en pendentif.
De ce fait, il était nécessairement devenu non violent et qui plus est, végétarien. Autant de bonnes raisons pour reconnaître à travers cet événement la manifestation de la Bonté divine qui les libéraient enfin du monstre.
La grande prêtresse décida d'organiser une grande fête de remerciements.
Le soir même, endimanchées, pomponnées, parfumées et le missel sous le bras, la gent souris fut fin prête pour la grand-messe.
Cependant, on n’osait guère s’aventurer hors de son trou, la foi a quand même ses limites, d’autant que le matou trônait en pleine vue au beau milieu du grenier, les yeux mi-clos.
Aveuglée par la Foi, la grande prêtresse harangua alors ses troupes pacifistes :
- Souris de peu de Foi, sortez de vos trous ! venez sans crainte louer le Seigneur et le remercier pour ce miracle !
Mais personne n’osait toujours avancer… Désignant le chat, elle s’écria encore :
- Espèces d’incrédules ! ne voyez-vous donc pas qu’il médite !
Cet argument massue finit par décider la troupe qui s’avança naïvement vers le chat.
Quand toutes furent enfin sorties et suffisamment près de lui, le matou tel un fauve bondit et fit un carnage...
L’une des rares survivantes qui avait pu se traîner jusqu’à son trou, apercevant la grande prêtresse des souris qui avait dirigé fort prudemment les manœuvres, bien à l’abri depuis l’arrière, lui demanda des comptes.
Immédiatement et d’une voix péremptoire, elle lui donna alors l’explication du désastre :
- Ma pauvre ! les temps ne sont plus ce qu’ils étaient ! tout change, quel malheur : ou les bouddhistes ne sont plus non violents ou les bouddhistes ne sont plus végétariens ou pire encore, les deux à la fois !
Le bodhichatva