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La démarche spirituelle et ses dangers

Le matérialisme spirituel est probablement le péril le plus fondamental et le plus répandu sur la voie spirituelle.

Le problème est que l'ego peut tout convertir à son propre usage, même la spiritualité. Il tente constamment d'acquérir et d'appliquer les enseignements de la spiritualité à son propre avantage...

Il est important de voir que l'essentiel de toute pratique spirituelle est de sortir de la bureaucratie de l'ego. Cela signifie sortir du désir constant qu'éprouve l'ego d'une version plus élevée, plus spirituelle, plus transcendantale de la connaissance, de la religion, de la vertu, du jugement, du confort et de tout ce que cherche cet ego-là.

Chôgyam Trungpa

Les contemplatifs croient parfois que la fin et l'essence de leur vie doivent se trouver dans le recueillement, la paix intérieure et le sentiment de la présence de Dieu. Ils deviennent attachés à ces choses. Mais le recueillement n'est qu'une création, au même titre qu'une automobile.

Le sentiment de paix intérieure est une création à l'instar d'une bouteille de vin. L'expérience de la prise de conscience de la présence de Dieu n'est qu'une création, tout comme un verre de bière. La seule différence, c'est que ce recueillement, cette paix intérieure et ce sentiment de la présence de Dieu sont des plaisirs spirituels, tandis que les autres sont matériels.

L'attachement aux choses spirituelles est par conséquent un attachement, tout autant que l'amour désordonné pour tout objet.

Thomas Merton


L'attachement à l'illumination n'est pas le seul piège du cheminement spirituel. Il en existe bien d'autres que des voyageurs ont remarqués au fil des ans. En voici huit parmi les plus courants :

Puer le zen


Cette expression veut évoquer l'attitude des gens qui font grand cas du fait qu'ils sont passés par des expériences spirituelles particulièrement puissantes qui ont ébranlé leur ego ; ils insistent fortement sur le fait qu'un tel événement leur est arrivé à eux.

Être pressé


Le cheminement spirituel dure toute la vie, sinon plus. Les Américains en particulier espèrent, et même exigent, des résultats instantanés. C'est peut-être possible dans le cas des céréales pour le petit déjeuner, mais ce n'est pas ainsi que fonctionne le cheminement spirituel.

La patience est une qualité importante dans toute tradition spirituelle.

La chasse au gourou dans le supermarché spirituel


Le supermarché spirituel est bien rempli de nos jours. Au commencement de la recherche, il est nécessaire de goûter pour savoir ce qu'il y a en rayons, mais cela peut facilement tourner au lèche-vitrine spirituel, simple substitut d'une véritable vie spirituelle.

Un maître peut vous montrer la voie, vous donner un exemple, mais il ne peut rien faire à votre place. Le lèche-vitrine est amusant, mais à un moment donné, il est nécessaire de s'asseoir et de manger.

Planer


Nous pouvons traverser des états d'esprit variés et multiples au cours de nos pratiques spirituelles. Certains semblent excellents. Les états planants ou extatiques peuvent être provoqués par la méditation prolongée, le jeûne, certains régimes, l'usage de drogues ou la privation de sommeil.

Bien que ces pratiques puissent être instructives dans certaines conditions, elles peuvent également devenir une distraction ; elles ne constituent pas le but de la pratique spirituelle, mais une étape sur la route.

Tout est maya ou illusion


C'est sans doute vrai au niveau de l'absolu, et moins vrai au niveau du relatif où nous vivons la plupart du temps. Une variante de ce thème consiste à penser que la spiritualité nous épargne de nous soumettre aux lois du monde des phénomènes. Ce n'est pas le cas.

Peu importe la profondeur de notre compréhension ou la grandeur de notre amour et de notre compassion, nous devons encore payer nos factures, nous arrêter aux feux rouges, sortir les poubelles et laver la vaisselle. Nous devons nous rappeler notre code postal même au cœur de l'extase intergalactique.

Tout est karma, ou destinée, ou sort


Cette croyance est à la source de l'infâme syndrome de la passivité spirituelle. En fait, le mot karma, en sanskrit, signifie action, et l'enseignement du karma ne se réfère à rien de plus mystérieux que les lois de l'action et de la réaction, également connues sous le nom de cause à effet.

Ce que vous faites aujourd'hui aura pour résultat, jusqu'à un certain point, ce qui se produira demain. Donc, faites attention à vos actions présentes. Ne blâmez pas le passé ou ne vous fixez pas sur lui.

L'occulte


Occulte signifie caché. C'est le domaine des enseignements secrets, de la magie, des visites de l'au-delà.

Au mieux, les enseignements occultes sont ce qui reste d'une tradition ou science ésotérique qui fut en grande partie détruite par l'Église.

Marcher sur la Voie du milieu


Cela ne veut pas nécessairement dire tout faire modérément, du moins si nous considérons la modération comme un état d'esprit tiède. La voie exige de l'intensité, et même parfois de la passion.

La personne qui est sur la Voie du milieu ne se plie ni ne s'attache aux opinions et aux préjugés, ni même à aucun point de vue particulier. Loin d'être une voie de compromis, la Voie du milieu est sans compromis dans son engagement à la logique du voyage spirituel.


Du danger d'avoir ou de ne pas avoir de maître


Le problème, lorsqu'il s'agit de présenter la spiritualité orientale en Amérique ou en Occident aujourd'hui, tient au fait que la barrière culturelle à travers laquelle doit passer la lumière de l’Orient fonctionne comme un prisme opaque. Il est fait de la culture de consommation et de l'individualisme psychologique américains ou occidentaux.

Privée de sa couleur et de son acuité, la lumière orientale dès lors réfractée ne fait que renforcer la structure que ses maîtres originels avaient le plus espéré détruire grâce à elle : l'ego isolé et la compétition à l'occidentale.

Un proverbe tibétain énonce clairement la question : un gourou est comme le feu. Si vous vous en approchez trop, vous vous brûlez. Si vous restez trop loin, vous ne recevez pas suffisamment de chaleur. On recommande une modération raisonnable.

Dans notre société, l'idée d'un maître, instructeur, gourou ou précepteur spirituel, brille par son absence. Pour nous, les maîtres dispensent un contenu sur un sujet comme si nous étions des contenants vides à remplir. Un maître spirituel, cependant, travaille à un niveau très différent. Il peut servir de miroir ou de guide, vous empêcher de tomber dans le piège de l'auto-illusion et vous permettre de vous voir comme vous êtes.

L'homme le plus dangereux est le contemplatif sans guide. Il se fie à ses propres visions, obéit aux attraits d'une voix intérieure, mais n'écoute pas les autres hommes. Il identifie la volonté de Dieu à tout ce qui lui fait sentir, dans son propre cœur, une grande, chaude et douce lumière intérieure. Plus le sentiment est doux et chaud, plus il est convaincu de sa propre infaillibilité.

Et si la simple force de sa propre confiance en soi se communique à d'autres gens et leur donne l'impression qu'il est vraiment un saint, un tel homme peut entraîner la perte de toute une ville, de tout un ordre religieux, et même de toute une nation. Le monde est couvert de cicatrices qui ont été laissées dans sa chair par de tels visionnaires.

Nous avons vraiment besoin de maîtres, et la véritable autorité n'est pas un mythe : le maître sait vraiment quelque chose. Mais le problème revient à ce qu'on appelle en psychologie l'effet de halo : l'autorité d'une personne est étendue indûment et, par conséquent, des gens sont aller consulter Einstein sur des questions politiques ou un gourou sur n'importe quoi.

Le jugement indépendant est une qualité assez rare chez les êtres humains. Le fait d'être en vie, de grandir, et tout l'art de vivre consistent à raffiner ce jugement indépendant, à trouver le courage d'être à la hauteur de sa propre voix intérieure, et de pouvoir dire éventuellement que le roi est nu.

Nous commettons inévitablement des erreurs en choisissant des maîtres, mais assumer ces choix est un apprentissage en soi. Certaines personnes craignent de s'engager avec un maître. Elles craignent de possibles impuretés chez le maître, elles craignent d'être exploitées, utilisées ou piégées. En vérité, nous ne sommes jamais piégés que par nos propres désirs et attachements.

Si vous ne cherchez que la libération, tous les maîtres seront pour vous des véhicules utiles. Ils ne peuvent absolument pas vous faire de tort. Si, en revanche, vous voulez du pouvoir, un maître peut arriver, qui parle de libération, mais vous attire subtilement par votre désir de pouvoir. Si vous vous faites prendre et devenez disciple d'un tel maître, vous serez peut-être fâché lorsqu'il s'avérera que ce maître accomplit un power trip et ne vous mène pas à l’illumination.

Mais rappelez-vous : à un certain niveau, en vous-même, vous le saviez déjà. Votre attirance envers ce maître était votre désir de pouvoir. Votre colère est en fait dirigée contre vous-même.

L'idée d'une véritable autorité spirituelle (et la relation harmonieuse qu'entretient l'étudiant avec elle) nous amène à la question de l'obéissance à la voie spirituelle. L'idée même d'obéissance, spirituelle ou autre, est suspecte, ou du moins controversée en Occident, mais c'est un aspect important de la formation spirituelle dans bien des traditions.

L'obéissance véritable dépasse largement la simple question d'obéir à des ordres ou de renoncer à sa propre volonté : elle implique plutôt de prendre la complète responsabilité de la conduite de notre vie. Personne ne peut devenir saint ou contemplatif en se contentant de s'abandonner sans intelligence à une idée simpliste de l'obéissance.

Chez le sujet et chez celui qui le commande, l'obéissance présuppose un élément majeur de prudence, et la prudence signifie la responsabilité.

L'obéissance n'est pas l'abdication de la liberté, mais son usage prudent dans certaines conditions bien définies. Cela ne facilite en rien l'obéissance et ce n'est aucunement une échappatoire à la sujétion à l'autorité.

Au contraire, une telle obéissance implique la maturité de l'esprit, la capacité de prendre des décisions difficiles, de comprendre correctement les ordres difficiles, de les exécuter avec une fidélité parfois véritablement héroïque. Une telle obéissance est impossible sans d'authentiques ressources d'amour spirituel.

Les grands maîtres ont souvent résumé la question de la façon la plus succincte.

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